mercredi 23 février 2011

Michael Tchekhov "Etre acteur"

L'acteur de cinéma doit travailler non pas sur le registre de la psychologie mais sur celui de l'imaginaire. L'imagination s'allume toute seule, elle n'a pas d'interrupteur sur lequel on puisse appuyer.
Michelangelo Antonioni

Michael Chekhov est acteur, metteur en scène; sur sa trajectoire - Moscou, Berlin, Londres, Broadway & Hollywood, où il tourna avec d'Hitchcock et guida de nombreuses stars,dont Marilyn Monroe - il a tout tenté, tout fait. Neveu d'Anton et fieffé pédagogue il développa sa vie durant une technique radicalement innovatrice du jeu et du training d'acteur focalisée sur le registre de l'imaginaire qui fait 'crier' l'intelligence, la vérité et la réalité scénique. Par elle et en elle plus qu'en tout autre, l'acteur retrouve son vrai visage.

Le jeu d'acteur est chose sérieuse, mais il faut un peu s'y amuser.
M. Tchekhov

Michael Chekhov c'est Stanislavski avec une différence.
La différence étant l'idée que l'acteur loin de se soumettre au texte de l'auteur peut et doit les dépasser. Il doit offrir sa vie, de gaîté d'âme à la poésie du texte pour aller bien au-delà. Jouer est le produit de son imagination à
travers une liberté d'interprétation qui dépasse l'habituelle intercommunication magnétique entre l'esprit du poète et l'esprit du metteur en scène. Favorisant l'étude du personnage, l'atmosphère, " Le Geste Psychologique " qui est aussi l'objectif en soi - une méthode de construction du personnage dont sont, ou furent, férus des acteurs tels que Marilyn Monroe, Jack Palance, Jack Nicholson, Clint Eastwood, Anthony Hopkins et Sean Penn; la visualisation('l'écran intérieur') est la clé imaginative pour s'ouvrir afin de pouvoir capter le sentiment dans ses grandes profondeurs, l'articuler et le déployer spontanément en un jeu continu, inspiré,
émotionnellement brûlant, engageant et fantastiquement ludique sur scène et devant la caméra.

Ce qui prend si longtemps même pour l'acteur doué de dons exceptionnels
à découvrir est cette essence de l'art en lui-même qui est le style et le fait que
' le style est l'expression, et l'expression le sel de la vie.'
Michael REDGRAVE

L'OBJECTIF mène à l'implication volontaire à l'action-aux tactiques vers la victoire-ces actions qui mènent la danse SONT le jeu. Pour trouver l'objectif l'imaginaire doit intervenir : ici, l'acteur se donne pour mission de voir l'objectif avant de l'appréhender intellectuellement : " Il y a un
oeil extérieur qui enregistre et un oeil intérieur ('the mind's eye') qui VOIT. " dit Robert Edmond Jones. Sans forcer le résultat c'est cet oeil intérieur que l'acteur fait intervenir dans sa quête de l'objectif par la voie imaginative.

LE GESTE PSYCHOLOGIQUE est la clé de l'inconscient de l'acteur. Il s'extrait de l'imagination ;
fort, clair et simple, il est le meilleur moyen d'exprimer la totalité du personnage en une forme condensée par le biais d'une saisie intuitive de son désir principal (le 'surobjectif' de Stanislavski).

Le terme "Geste Psychologique" signifie à la fois le 'geste' en soi et les sentiments & qualités qui lui sont associés : par exemple : le sens de l'aise ('feeling of ease'), le sens du tout ('the feeling of the whole'), le sens de la forme ('the feeling of form'), et le sens de la beauté ('the feeling of beauty').

There should be fun in art.
Elia KAZAN

ATMOSPHERES et leurs QUALITES Une atmosphère est invisible, c'est un médium transparent. Mais, elle est là : une source d'inspiration pour l'acteur qui s'y livre. Plutôt que d'appartenir à qui ce soit, elle est à tous : " C'est dans l'air. " Ainsi, pour créer l'atmosphère que nous voulons sur le plateau il faut l'imaginer actuellement dans l'air autour de nous,mais pas encore en
nous. Une atmosphère de catastrophe par exemple, à qui appartient-elle ? A personne,
pourtant elle est là. On la respire, elle agit sur nous, comme le brouillard sur un lac gelé, l'eau de la mer démontée, la panique, la terreur, les ténèbres, le désir.
L'atmosphère est la façon la plus décisive d'entrer en contact avec l'essence émotionnelle d'une scène, au théâtre ou au cinéma. Lisant une pièce ou un scénario il faut essayer d'en trouver l'atmosphère qui serait la plus expressive pour cette scène, tel moment, telle partie de la scène. Nous avons aussi besoin de prendre conscience de l'effet de ces atmosphères sur notre comportement. Une atmosphère peut aussi changer sur l'entrée d'un personnage dont l'atmosphère est plus forte que celle des autres. L'entrée du fantôme du père d'Hamlet dans la chambre de sa mère, par exemple.
Par ailleurs l'atmosphère n'est pas de nature statique,mais un processus continuellement en mouvement qui se développe, touche et inspire l'acteur qui s'y ouvre pour la capter au profit du personnage. Il doit y répondre, sans jamais se forcer à sentir. Il évolue dans l'atmosphère - soit-elle de joie, de chagrin,magique, lourde, scintillante, de mort, etc.- et s'y laisse prendre,
se rend à elle comme à l'amour, organiquement. L'organicité d'un acteur, cet enfant qui sait d'expérience qu'en faisant et en laissant son corps réagir naturellement à son imagerie interne,
il sentira.

" Il n'y a rien dans le monde entier sans atmosphère sauf notre sec et froid 'intellect' qui ne connaît rien en atmosphère et la combat.
Les atmosphères permettent à l'acteur de révéler cette part de la pièce et du rôle qui est autrement indicible. Peut-on, par exemple, imaginer Roméo disant ses mots d'amour à Juliette sans atmosphère d'amour ? Quand bien même le spectateur (ou spectatrice) pourrait comprendre intellectuellement le texte sublime et goûter la beauté du vers de Shakespeare, il lui manquerait toujours quelque chose de l'essentiel. Mais en quoi consiste l'essentiel En l'amour lui-même. Pour se communiquer au public, tous les sentiments requièrent une atmosphère particulière. Sans ces atmosphères justes émanant de l'acteur, les paroles d'amour,
de haine, de désespoir ou d'espérances énoncées par Shakespeare ne font que se répercuter mécaniquement dans un espace psychologique vide. C'est l'atmosphère qui recèle le contenu fondamental de la représentation. " Michael CHEKHOV

Les acteurs sont les seules hypocrites sincères.
HAMLET

L'un des points de force du training de Chekhov, chose normalement peu approfondie dans les autres techniques modernes d'entraînement au jeu d'acteur, est la recherche et la création par la voie intuitive du personnage.
Le premier pas vers cette création est de définir le type spécifique de personnage qu'on va jouer : " Un Dur, " " Femme en Colère, " " Fille Sexy, " " Fantasque, " etc. Ces archétypes se trouvent dans la nature humaine. L'auteur propose et déploie des variations individuelles du type de caractère.Mais c'est le travail de l'acteur de donner vie et crédibilité à cette création d'un 'caractère.'. Il doit, d'entrée de jeu, se demander: " Quelle est la différence entre le personnage et moi ? " Comment est son esprit ? Pense-t-il plus vite ou moins vite que moi ?
Sa compréhension du monde est-elle plus claire ou plus vague que la mienne ? Ses émotions sont-elles plus riches que les miennes. Est-il plus passionné ? Sa volonté plus acharnée et inflexible que la mienne ? Ces questions une fois élucidées, une compréhension plus profonde et plus spécifique du personnage de l'acteur en résultera. L'observation soutenue des gens est ici capitale. Le fait d'observer et de définir leurs uniques différences doit aider l'acteur à capter et forger, autant qu'à développer, les traits saillants et les contradictions les + intimes du comportement de son personnage.

Le théâtre c'est ce qu'il y a au-delà, au-delà des mots, au-delà des corps, audelà
de tout ce qui est sur la scène.Mais ce qui est sur la scène doit permettre
l'accès à cet au-delà. Le grand mystère est que cet au-delà ne peut se définir
avant son accomplissement dans la représentation. Il n'y a pas de conception
préalable, de définition, de discours sur…mais un attrait profond, indéfini, le
pressentiment d'un univers à découvrir, à révéler ou plutôt à faire entrevoir, a
percevoir, pour permettre de s'y introduire
Tout le travail se fait moment après moment, par découvertes successives.
Tous les gens de la scène devraient être surpris par ce qu'ils ont fait, par le
" lieu " auquel ils sont arrivés. "
Sylvain DHOMME

L'ACTEUR EST LE THEATRE
" Le metteur en scène, le décorateur, etc., sont tous des accessoires,mais l'acteur est le théâtre. L'acteur qui croit en sa capacité constante d'agir. Alors la pièce-même des pièces telles que celles de Shakespeare- n'est seulement pour le vrai et réel acteur qu'un prétexte à s'exprimer.
Nous ne pouvons pas exprimer Shakespeare, parce que nous ne savons pas quel était son
dessein ; nous ne pouvons que nous exprimer nous-mêmes.Quel que soit l'auteur, nous nous exprimons toujours nous-mêmes.Nous nous exprimons nous-mêmes sur scène.Nous sommes toujours nous-mêmes, ou nous ne jouons pas du tout et sommes tout comme des marionnettes. Si nous sommes bourrés de clichés ou autre choses dérangeantes, alors il n'y a pas de théâtre. Mais si nous sommes de vrais acteurs, nous nous jouons nous-mêmes, de notre jeunesse à notre vieillesse.
Donc, il est important de garder en tête que quelque soit la pièce, nous nous jouons nousmêmes.
Si cette idée est vraiment digérée, cela nous libérera,même inconsciemment. Si nous
y croyons, et nous nous y habituons, et si ça pénètre dans les régions inconscientes de notre être, ça nous revient sous forme de liberté. J'ai vu beaucoup de metteurs en scène dans d'autres pays qui ne savaient pas que faire des acteurs après quelques semaines de répétitions.
Un metteur en scène hurlant aux acteurs d'être libres. Comment être libre ? Etre libre veut dire pouvoir compter sur notre habilité à agir constamment.
Naturellement, il y a des choses dans chaque pièce qui sont " des points de repère "
('landmarks'), pour ainsi dire, et très souvent sans rien que nous puissions jouer continuellement, et ainsi nous sautons lâchement d'un repère à un autre. Par exemple, imaginons qu'à un moment j'abats quelqu'un et le moment suivant je pleure. Si je suis lâche, il n'y a rien entre ces deux choses. Mais si nous savons vraiment dans notre inconscient que nous jouons continuellement, nous pouvons développer tant de nuances entre le moment du coup de feu et le moment des pleurs. Comment l'acteur jouera, cela est notre mystère, notre talent,
notre individualité. " - Michael CHEKHOV

Trouvez-le là où il joue et allez-le voir ! Michael Chekhov est mon plus
brillant élève.
Stanislavski à Stella ADLER, 1934

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